Nouvelles en francais

04.May.03    Análisis y Noticias

samedi 3 mai 2003 :

Argentine : la lutte des Bruckman continue

Après un 1er mai unitaire de toutes les
organisations politiques et sociales
derrière les ouvrières de Bruckman et des
concerts organisés par les
étudiants de Buenos Aires, les ouvriéres campent
toujours aux portes de leur
fabrique.

Traduction d’un article de Pagina/12 du 03 mai
2002

Les négociations autour du conflit de la fabrique
textile Brukman continuent
sans avancées, après la réunion de mercredi avec
la ministre du travail. Le
gouvernement national a ratifié l’offre de monter
une “unité productive” ;
la proposition garantit l’assistance technique et
commerciale, tandis que
n’est pas défini qui payera les machines : le
Ministére du Travail parle
d’un crédit pour que les travailleuses les
achètent. L’INTI dit que l’Etat
ne peut prendre en charge tous les coûts parce
que la responsabilité de ce
qui s’est passé est celle des entrepreneurs. Les
ouvrières ont réalisé la
nuit dernière une assemblée au terme de laquelle
elles décidèrent de
continuer leur plan de lutte, exigeant que l’Etat
achète la fabrique. Du
côté du ministère du Travail, on a détallé à
Página/12 “on a proposé que les
travailleuses fassent une liste des machines
qu’elles ont besoin et de les
accompagner dans les questions commerciales”. De
toutes manières il n’est
pas clair comment se paieront les machines une
fois présentée cette liste.
Sur ce thème, la personne consultée a dit que
“cela pourrait être un crédit
ou éventuellement une subvention, ce qui sera
discuté dans le cas où la
proposition de monter l’unité productive soit
acceptée”. Enrique Martínez,
titulaire de l’ Instituto Nacional de Tecnología
Industrial (INTI), a
confirmé que son organisme accompagnerait le
processus en apportant le
savoir technique. Au sujet de l’investissement,
il a considéré l’option du
crédit, celle de la subvention et celle où les
propriétaires prennent en
charge une partie des coûts, “vu que ce sont eux
qui provoquèrent cette
situation”. Dans tous les cas, a-t-’ il ajouté,
“l’Etat n’a pas à leur
offrir la solution au conflit qu’ils créèrent”.
Dans le campement de
protestation qui se maintient face à la fabrique
expulsée, les ouvrières
annoncèrent une nouvelle mobilisation mardi, pour
demander à la ville de
Buenos Aires l’expropriation de l’immeuble et des
outils. “L’offre de la
ministre pour l’instant ne nous intéresse pas
parce que c’est un
microemprendimiento*, elles nous parle comme si
nous étions des chômeuses
qui voulaient monter un petit atelier”, affirma
Celia Martínez. “Nous
voulons la fabrique et en retour ils sont en
train de nous proposer quatre
machines à coudre à pédale. Si ils veulent nous
donner quelque chose
d’utile, ils devraient exproprier toutes les
machines, nous ne voulons pas
devoir aller à Villa Tachito dans un petit local,
nous voulons continuer
avec une grande production de costumes de
qualité, comme nous étions en
train de le faire toute l’année après que
l’entreprise nous abandonna.”
Martínez considera que ce srait une solution que
le gouvernement “achète les
machines. Je lui ai présenté l’inventaire de
celles dont nous avons besoin,
s’ils nous disent qu’ils nous donnent cela il n’y
a pas de problème, sinon
nous allons continuer la protestation en
attendant le moment ou la forme de
revenir pour entrer”. Cette nuit Fédération
Universitaire Argentine a
organisé un festival solidaire. Dans le lieu il y
a une quinzaine de tentes
de différentes organisations sociales et de
partis politiques. La
protestation a été financée par des donations
récoltées dans les facultés,
où sont préparées pour cette semaine une série de
cours publics. Aujourd’hui
est convoquée une assemblée pour décider des
futures actions. La
ratification du plan de lutte implique un premier
refus à la négociation
plantée par le gouvernement. Les fonctionnaires
consultés hier coincidèrent
pour affirmer qu’ils envisagent difficilement une
sortie juridique pour
lever le dispositif policier de la zone. La
protestation aux portes de
Brukman dure depuis le 18 avril quand la fabrique
fut expulsée.

* (note du traducteur) microemprendimiento : ce
sont des petites unités de
production mises en place par de nombreux
mouvements piqueteros pour pallier
les besoins (ex fabriques de pain, de briques,
…)

Plus d’informations sur :
www.argentina.indymedia.org
www.calpa-paris.org
www.nuestralucha.8k.com (site en espagnol des
entreprises récupérées)

Le Pentagone fixe les règles des procès
militaires de terrorisme
03 mai 09:44:17

La base navale américaine de Guantanamo, à Cuba,
pourrait accueillir des
procès contre des prisonniers terroristes
présumés. Le Pentagone a défini
les règles de fonctionnement des tribunaux
militaires qui seront chargés de
juger ces prisonniers.
© REUTERS

par Will Dunham

WASHINGTON (Reuters) - Le Pentagone a défini les
règles de fonctionnement
des tribunaux militaires qui seront chargés de
juger les prisonniers
capturés dans le cadre de la “guerre contre le
terrorisme”, en précisant que
certains procès pourraient avoir lieu sur la base
américaine de Guantanamo,
à Cuba.

L’avocat général du département de la Défense
américain, William Haynes, a
dévoilé les instructions données en vue des
procès de ressortissants
étrangers par des commissions militaires,
autorisées par un décret du
président George W. Bush un peu plus de deux mois
après les attentats
suicide antiaméricains du 11 septembre 2001.

Cette mesure constitue “un grand pas” vers la
tenue de tels procès, selon un
responsable pour lequel cela ne signifie pas pour
autant que des procès
auront lieu “la semaine prochaine ou le mois
prochain”. Les personnes
reconnues coupables par ces tribunaux pourraient
encourir la peine de mort.

L’avocat général adjoint Whit Cobb a expliqué que
les instructions données
par le Pentagone visaient à faire en sorte que
des procès “exhaustifs et
équitables” puissent avoir lieu.

Le Pentagone prévoit que ces procès puissent être
ouverts au public à moins
qu’il soit jugé nécessaire de les organiser à
huis clos en raison de la
sensibilité des informations susceptibles d’être
divulguées.

Il pourrait aussi interdire à l’avocat civil d’un
prévenu de parler du
procès à des journalistes. Les avocats des
prévenus devront en outre être
des ressortissants américains jugés aptes à
prendre connaissance
d’informations confidentielles.

Ces règlements sont censés s’appliquer aux procès
de membres présumés du
réseau islamiste international Al Qaïda d’Oussama
ben Laden, auquel les
Etats-Unis imputent les attentats de septembre
2001, ainsi que de personnes
arrêtées dans le cadre plus général de la “guerre
contre le terrorisme”, ont
déclaré des responsables du Pentagone à des
journalistes, sous le sceau de
l’anonymat.

DES PRISONNIERS CONSIDERES COMME DES “COMBATTANTS
ILLEGAUX”

Les Etats-Unis détiennent environ 660
prisonniers, pour la plupart
originaires d’Afghanistan, sur la base de
Guatanamo. Ils sont considérés
comme des “combattants illégaux”, et non comme
des prisonniers de guerre.
Ils sont détenus sans inculpation et n’ont pas
accès à un avocat.

Leurs conditions de détention ont suscité des
critiques virulentes sur la
scène internationale. D’autres suspects
interpellés dans le cadre de la
guerre contre le terrorisme sont détenus
ailleurs.

Les responsables du Pentagone ont refusé de
préciser combien de prisonniers
seraient jugés, sur quels chefs d’accusation,
ainsi que le lieu et la date
possible de tels procès.

“Nous sommes prêts grosso modo à commencer quand
le temps sera venu. Je ne
peux vraiment pas fournir plus de précisions sur
le calendrier”, a expliqué
l’un d’entre eux.

“Nous examinons les différents dossiers depuis un
certain moment. Il est
évident que nous avons une idée de l’identité des
suspects que nous
jugerions approprié de traduire devant une
commission militaire. Mais aucune
décision définitive n’a encore été arrêtée”,
a-t-il ajouté.

Prié de dire si des procès pourraient avoir lieu
à Guantanamo, un
responsable militaire a répondu: “Sur le plan
légal, rien ne l’empêcherait.”

Il a ajouté que les procès “pourraient être
organisés dans différents
endroits”, soulignant par ailleurs que l’armée
américaine mettait en place
des cours martiales “partout dans le monde, donc
des commissions pourraient
l’être aussi”.

Ces règles ne sont pas destinées aux procès
militaires de “simples
prisonniers de guerre capturés au moment de la
guerre en Irak”, bien qu’il
ne soit pas exclu que des suspects interpellés en
Irak comparaissent devant
de tels tribunaux, a indiqué un responsable.

“Le décret militaire (donné en 2001) par le
président n’a pas été pris dans
l’optique de l’Irak, et les tout derniers non
plus”, a déclaré le
responsable militaire.

Autogestion à l’Argentine par Christian Castillo
et Ruben Tripi (*)

La crise argentine, qui a éclaté au grand jour en
décembre 2001 et que les
élections actuelles entendent bien faire oublier
en replâtrant un régime
discrédité, aura au moins eu un mérite : démentir
l’assertion - renforcée
par tous ceux qui se sont faits par la suite les
thuriféraires de la fin de
l’histoire et de l’avènement de la démocratie
néolibérale - selon laquelle
les salariés sont condamnés à n’être qu’une
variable jetable de la logique
capitaliste.

Il y a plus d’un an la poussée expropriatrice du
” corralito “, décrété par
M. De la R£a et les grands capitalistes
confisquant l’épargne des Argentins,
a fini par se transformer en une force sociale
diamétralement inverse. Au
son des casseroles, l’expropriation de l’épargne
donna lieu à la
revendication de la nationalisation du secteur
bancaire. L’expropriation du
travail et du pain déchaîna les premiers pillages
des grands supermarchés à
la tête desquels se portait le peuple pauvre des
grandes villes du pays.
L’expropriation des dernières illusions de la ”
démocratie représentative ”
bâtie à la suite de la défaite des Malouines
laissait place à l’écho profond
qui parcourait les manifestations, ” qu’ils s’en
aillent tous, qué se vayan
todos ! ” Enfin, le terrorisme économique dirigé
contre les classes
laborieuses argentines fit naître le mot d’ordre
” usine qui ferme, usine
que l’on occupe et que l’on fait produire sous
contrôle ouvrier “.

C’est ainsi que plus de cent entreprises, des PME
en général, se retrouvent
aujourd’hui autogérées sous diverses modalités
par des travailleurs qui
refusent le fatum du chômage et de la misère.
Pendant ce temps, la
dévaluation et la crise plongeaient des centaines
de milliers de femmes,
d’hommes et d’enfants dans la pauvreté la plus
noire, les contraignant pour
nombre d’entre eux à devenir l’armée de ”
cartoneros ” (ceux qui fouillent
les poubelles) qui s’empare des centres-villes à
la nuit tombée.

L’autogestion, c’est ainsi que fonctionne
l’entreprise de carrelage Zanon de
Neuquén en Patagonie (300 ouvriers, la première
entreprise industrielle de
la province) ou l’usine de confection Brukman de
la capitale (50
couturières, dans le quartier central d’Once).
Les ouvrières et ouvriers y
ont refusé de créer une coopérative, réclamant la
nationalisation de leur
usine sous contrôle ouvrier, persuadés que leur
entreprise ne leur
appartenait pas, mais devait être au service des
secteurs populaires qui
souffrent de la crise et qui se trouvent à leurs
côtés pour les défendre,
les ” piqueteros “, les étudiants, les assemblées
populaires, les
organisations de travailleurs combatives.

Comme le dit Julio Araneda du Syndicat des
ouvriers céramistes de Neuquén
(SOECN), ” nous savons que les problèmes ne
cessent de croître, pourquoi pas
se battre avec les étudiants, les chômeurs, les
enseignants, le personnel
technique des écoles et les ouvriers de la
construction ? Parce qu’on a tout
à portée de main. On fait du carrelage et des
briques. L’ouvrier de la
construction, de quoi a-t-il besoin ? Du
carrelage et des briques pour faire
des logements sociaux et des écoles. Et les
instituteurs ? D’écoles pour
faire classe à nos enfants. On est tous pareils,
il faut qu’on s’unisse dans
ce combat “.

Le patronat ne l’entend bien évidemment pas de
cette oreille, ni son
gouvernement, ni la justice argentine. Ceux qui
licenciaient ou
abandonnaient les usines temporairement car elles
ne généraient plus un
profit suffisant, les voilà qui veulent reprendre
possession de leur bien,
qui crient à l’illégalité des occupations
d’usine, que ce n’est pas
tolérable dans le cadre de l’État de droit, que
la propriété privée, et plus
particulièrement la propriété privée des moyens
de production, c’est sacré.
La légalité patronale vaut-elle plus que la
légitimité de ces luttes
exemplaires ? La justice argentine pense que oui.

Dans la nuit du jeudi au vendredi 17 avril, les
ouvrières de Brukman ont été
expulsées brutalement par un dispositif répressif
d’une ampleur sans
précédent. Trois cents policiers et l’ancien
patron ont pris possession de
l’usine après en avoir chassé les quelques
couturières qui en assuraient la
garde. Lundi 21 avril, en réaction à l’expulsion
des travailleurs de
Brukman, un rassemblement de 7 000 personnes est
venu apporter son soutien à
cette lutte exemplaire. La police argentine a
brutalement réprimé les
manifestants. Il y a eu lors de cet assaut une
vingtaine de blessés. Plus de
cent personnes ont été interpellées, puis
libérées sous la pression des
manifestants. À quelques jours de l’élection
présidentielle, le gouvernement
a fait de la surenchère pour rivaliser avec le
candidat Menem qui a déclaré
qu’il ferait appel à l’armée pour réduire au
silence toutes les luttes
populaires. Le gouvernement veut également
montrer au FMI que son candidat
sera capable d’appliquer une politique de
fermeté.

Les ouvrières, qui exigeaient pourtant depuis
plus de huit mois
l’expropriation définitive de l’entreprise ont
été réprimées sans pitié.
Cela n’a pas néanmoins arrêté la mobilisation,
puisque le 22 avril c’était
plus de douze mille manifestants qui se
retrouvaient devant Brukman.

Les couturières ne baissent pas la garde. Elles
comptent reprendre leur
usine, continuer à produire sans patron et à
décider démocratiquement par
assemblée de base de leur destin. Elles campent
devant l’usine actuellement
et ont bien entendu besoin de toute notre
solidarité. C’est en ce sens que
nous appelons à les soutenir à travers la
campagne française impulsée par le
Comité d’appui aux luttes du peuple argentin
(CALPA, association de loi
1901, www.calpa-paris.org), qui s’est retrouvé
aux côtés des travailleurs
des usines occupées d’Argentine

(*) Respectivement codirecteur de l’UFR de
sociologie de l’université de
Buenos Aires, et avocat, président de
l’Association de défense des droits de
l’homme (Traduction Jean-Baptiste Thomas).